À Mazette, on aime bien se faire peur. Et le grand méchant loup en 2021 a pour nom Éric Zemmour. Tassé, malingre, le poil grisonnant et la mine blafarde d’un végan qui n’a pas vu un steak haché depuis 10 ans, le loup n’a pas du tout le profil du winner. De façon curieuse, les institut de sondages s’agitent : Zemmour va-t-il déclarer sa candidature à la présidentielle ? Les journalistes s’interrogent : le milliardaire Vincent Bolloré, patron de CNews, va-t-il financer sa campagne ?
La candidature de Zemmour fait son chemin dans les esprits. En cause : la débandade des candidats Les Républicains, trop décédés pour passer le premier tour. Et la quasi-certitude qu’à l’issue du duel Marine Le Pen / Macron, c’est ce dernier qui l’emportera. Mais en quoi Zemmour se démarquerait du Rassemblement National ?
Il était une fois Zemmour, un loup secrètement amoureux de Jean-Marie, le père qui voulait briser les genoux des syndicats et de « L’État providence », façon Margaret Thatcher avec des couilles. Mais les temps ont changé, la fille Le Pen drague les ouvriers qui votaient auparavant communiste. De quoi donner des boutons à Zemmour !
En comparant les trajectoires de Marine Le Pen et de Zemmour, on se rend mieux compte de leurs différences. Cela fait une dizaine d’années que les plaintes (judiciaires, CSA) pleuvent sur Zemmour, dont le discours anti-immigration n’a fait que se radicaliser. Au contraire, Marine Le Pen a pris soin de virer du parti tous ceux qui affichaient leur xénophobie, en premier lieu son propre père. La chef du RN tente d’appliquer une stratégie de dédiabolisation, tandis que Zemmour lui semble n’avoir aucune limite dans la provocation. D’après le nombre de rappeurs qui lui consacrent des chansons, je ne pense pas me tromper en disant que Zemmour est de loin la personne la plus haie dans notre pays, devant Marine Le Pen.
Il y a tout de même de sérieuses réserves à mettre sur cette supposée candidature. 1) Si Zemmour voulait se présenter, il aurait du mal à réunir les 500 signatures : les maires ne voudraient pas être associés à la haine dont il est l’objet. 2) Zemmour jouit depuis son entrée à CNews en octobre 2019 d’une tribune exceptionnelle. Encadré par une animatrice pas très fut-fut (Christine Kelly), et par trois débatteurs qui en vérité lui servent les plats, il est la star du show du lundi au jeudi (avec double ration le mercredi sur Paris Première). Avec le comptage des temps de parole des candidats, il se verrait privé de tous ses privilèges. 3) Se présenter, mais pour quel résultat ? Il prendrait tout au plus quelques points à Marine Le Pen, sans garantie d’atteindre le pallier des 5% des voix, le minimum pour se faire rembourser les frais de campagne. 4) Il suffit de jeter un œil dans le rétro pour voir que des partis croupions entre droite et extrême droite ont toujours existé. Est-ce que cela leur a été profitable ? Non, les Philippe de Villiers, Christine Boutin, Bruno Mégret et autre Nicolas Dupont-Aignan ont terminé broyés. Zemmour serait le prochain dans la benne. Vous connaissez les trois petits cochons : « Quand le loup descendit dans la cheminée, il tomba tout droit dedans. Il poussa un hurlement qu’on entendit à des kilomètres à la ronde et repartit comme il était venu, par la cheminée. On n’entendit plus jamais parler de lui. ».
Toutefois, notre loup sait qu’il a un rôle à jouer non pas en 2022, mais l’année d’après. S’il boxait Marine Le Pen trop tôt, il passerait pour un diviseur, celui qui a fait perdre son camps. Il n’a qu’à retenir ses coups, attendre le moment où Marion Maréchal va succéder à sa tante. Vous verrez qu’il va abandonner sa tribune et se lancer en politique au service de Marion Maréchal, car ils partagent le même programme « illibéral » (voir « La météo politique de 2023 », Mazette n°16). Ce jour-là, la maison France a intérêt à être en brique : « Alors, vous allez voir, hurla le loup, je vais souffler sur votre maison, et je vais la démolir ! Il prit alors sa plus profonde respiration et souffla comme un fou… ».
Le Marteau
