Sortie  d’école

Une fois n’est pas coutume, je suis allé chercher ma fille Lili à la sortie de l’école. Ça lui fait plaisir quand je viens jusqu’au portail, elle court au ralenti, comme dans les films, et me saute dans les bras. Et moi, pour lui faire plaisir, je sors un Kinder country, comme dans la pub, parce que c’est plein de bonnes choses pour votre enfant, et nous partageons ce moment père-fille en riant, parce que la vie est belle avec Kinder.

En vrai, quand elle me voit, elle fronce les sourcils, me fait un signe de tête rageux pour me demander d’aller l’attendre dans la bagnole, parce que c’est la honte d’avoir son père à la sortie de l’école, en plus, Papa, t’aurais pu te laver, t’as les cheveux dans tous les sens, c’est pas parce que tu bosses à la maison… bref, j’ai l’impression d’entendre sa mère. Et la mienne. Du coup, le Kinder country, je lui lance à l’arrière, une fois dans la voiture, pour qu’elle arrête de gueuler.

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Pour le coup, ce soir, j’ai pris une douche et enfilé une tenue propre, et je suis allé attendre au milieu des autres parents, j’ai été forcé de subir la proximité des gens de la sortie de l’école, cette faune étrange, qu’on ne croise que peu le reste du temps. Car, s’il y a des gens respectables qui récupèrent leurs gamins, y a aussi ces familles que les mauvaises langues appellent des Cassos, comme ceux qu’on voit dans les reportages sur NRJ 12, ou parfois chez Jean-Luc Reichmann, mais qu’on ne croise pas trop à la bibliothèque. Et là, justement, y avait Britney et sa maman. Non, n’y voyez pas de stigmatisation des Britney, la gamine s’appelait comme ça, je n’y peux rien. Bref, Britney prenait une soufflante par la maîtresse, devant sa mère, car la gosse, visiblement, avait refusé de faire son travail, et la maîtresse expliquait que l’école, c’était important, notamment la lecture, et de façon générale, le français, ce à quoi la gamine a répondu que de toute façon, elle voulait devenir Kim Kardashian, et qu’y avait pas besoin de parler français pour ça, Kim ne le parlant pas. Sa mère a ajouté qu’elle non plus n’était pas forte à l’école, qu’elle avait arrêté en CM2, et que ça ne l’avait pas empêchée d’être une femme active, avec le dernier Iphone, ce à quoi la maîtresse n’a pas osé répondre que faire la bimbo n’était pas la voie professionnelle adéquate pour Britney. Quand Britney a ajouté qu’elle voulait aussi devenir Tik-Tok, ce qu’il fallait traduire par créatrice de contenus, comme le dit obséquieusement Nabilla, que ses premières vidéos, où elle twerkait, avait plein de vues, on a compris que le cas(sos) était désespéré.

J’ai expliqué tout ça, à Lili, quand elle m’a engueulé dans la voiture en déballant son Kinder country (je n’aurais pas dû venir en tongs), je lui ai dit qu’elle avait quand même de la chance d’avoir des parents dont le QI dépasse celui de l’ensemble de la « famille Britney », mais elle m’a asséné cette réplique à laquelle je n’ai pas su quoi répondre : « N’empêche que Britney, elle, a 413 abonnés sur sa page Tik-Tok, t’en as combien, toi ? »

Vu que je n’en pas autant, j’ai juste fermé ma gueule et j’ai cherché sur Google comment apprendre à twerker.

David Berry

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Narration : Mélaka