Un peu  de culture #2

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Titre : Orange is the new black (OITNB)

Fiche technique : Une série de Jenji Kohan. Avec Taylor Schilling, Laura Prepon, Natasha Lyonne et beaucoup d’autres ! Sept saisons sorties sur Netflix de 2013 à 2019

Résumé
Piper est incarcérée à Litchfield, une prison de sécurité minimale pour quinze mois car elle a transporté une valise d’argent issue du trafic de drogue pour son ex, Alex Vause. Elle tente de se faire à la vie en prison…

Pour
Cataloguée « SJW » (comprenez : politiquement correct à l’égard des minorités) par les médias réacs, et pionnière dans sa manière de rompre avec le « Male gaze » (comprenez : regard masculin sur les corps féminins) par les médias progressistes, OITNB a suscité beaucoup de réactions et surtout d’incompréhensions.

Le personnage principal, Piper, qui ne s’était jamais considérée comme « Blanche » avant son incarcération, est d’emblée rangée avec les personnes ni Noires ni Latinos, pour sa propre sécurité. Vous allez me dire : la série de la fin des années 1990 OZ avait déjà tout dit sur la lutte des clans ethniques en prison. J’ai d’ailleurs fortement pensé à OZ lorsque Poussey, une Noire qui refuse de participer au trafic de drogue, se fait harceler et tabasser par son propre clan. Cela rappelle le destin de Miguel, Latino qui doit torturer un gardien sans quoi son clan l’assassinerait. Dans les deux séries, le clan peut constituer une protection contre les agressions extérieures, mais aussi un nœud coulant pour les membres qui s’éloignent des règles internes ou contractent des « dettes ».

Comme le dit une détenue : « cet endroit fait ressortir ce qu’il y a de plus mauvais en nous ». En effet, Piper est incarcérée pour des motifs autres que des faits de violence. Elle ne s’est jamais battue de sa vie, et pourtant, elle va se déchaîner tellement fort sur une prisonnière qu’elle la laissera pour morte – là encore, on pense à OZ (la trajectoire infernale de Tobias, riche avocat condamné pour homicide involontaire et conduite en état d’ivresse).

Comment des personnes ordinaires, qui ont certes transgressé la loi, finissent par se changer en fauves ou par s’autodétruire ? Il serait facile de fustiger des gardiens incapables – ce que fait parfois OITNB – mais la plupart ne demandent qu’à faire leur boulot dans de bonnes conditions. Or, le désespoir croissant des prisonnières impactent directement la sécurité des gardiens, qui chargent leur directeur, Caputo, d’alerter l’administration. Cette dernière étant confiée à une entreprise privée gérant un tas d’autres activités, son but prioritaire est donc la rentabilité. Comment va-t-elle réagir aux demandes de fonds d’urgence pour recruter davantage de gardiens et améliorer les conditions de vie des détenues ? En offrant à Caputo une promotion pour qu’il règle les problèmes tout seul !

La dernière saison confronte les prisonnières qui font la popotte à de nouvelles arrivées encore plus mal loties : un centre de détention de migrantes a été accolé à la prison pour faire des économies. Gloria fait ce qu’elle peut pour aider : elle recrute une migrante sous prétexte de sous-effectif en cuisine, glisse des informations sous le plateau-repas d’une autre migrante, prête un téléphone clandestin à une troisième. Seulement, avec une telle densité de population dans un lieu clos, toutes les migrantes sont bientôt au courant du secours apporté à la cuisine. Un jour, en ouvrant le rideau d’accès à la cantine, Gloria a la surprise de voir que chacune des migrantes a un message caché à transmettre à l’extérieur ! L’aide qu’elle apportait de bon cœur à titre individuel doit-elle changer de nature et devenir une sorte de « guichet automatique » ? Ce qui multiplierait les risques puisque des gardiens sont chargés de la surveiller… Les dilemmes moraux sont bien mis en scène, si bien que coller l’étiquette « politiquement correct » sur la série serait injuste.

Enfin, l’élément qui fonctionne le mieux est l’humour noir : OITNB joue à mettre Piper dans des situations de plus en plus embarrassantes. Oui, c’est mesquin de la regarder se débattre dans un aquarium surpeuplé, mais c’est aussi jouissif.

Contre
Même en acceptant le principe d’une « série chorale », et donc de voir la délicieuse Piper reléguée au second plan, il y a beaucoup de longueurs (les flashbacks) et de répétitions (la relation Piper / Alex finit par donner des boutons ). Les scènes de fesse entre lesbiennes sont nombreuses, mais en dehors de leur quantité (qui vire parfois au remplissage), il n’y a guère de différence de traitement avec les anciens téléfilms érotiques du dimanche soir sur M6. L’aspect « anti-Male gaze » tant vantée dans les médias n’est en fait qu’un argument marketing destiné à « choquer le (vieux) bourgeois » et à attirer le (jeune) bobo un brin libidineux. La presse de gauche s’est ébaudi de la présence de Laverne Cox, un trans’ qui joue… un trans’. Je ne critique pas tant la série que les médias qui ont relayé cette information sans se poser de question. Depuis quand les acteurs sont recrutés pour ce qu’ils sont ? Pas le souvenir que Michel Serrault ai dû prouver son homosexualité pour jouer la Reine des abeilles dans la Cage aux folles…

D’ailleurs, OITNB se montre lucide : la nouvelle directrice de la prison tombe de haut lorsqu’elle réalise qu’elle a été recrutée non pas pour ses compétences, mais pour la prime de l’Etat versée à l’administration parce qu’elle est Noire. Et ses tentatives de rendre la prison plus humaine, loin de la série « politiquement correct » attendue, vont se heurter au refus des prisonnières elles-mêmes – la lutte à mort entre Daya et sa mère Aleida pour le contrôle d’un bloc est à ce titre vraiment douloureuse. La série montre que la réhabilitation passe moins par des programmes spécialisés que par le fait de balancer les criminelles (Taystee, dénoncée par son clan alors qu’elle est innocente) ou de bénéficier opportunément d’un changement de politique carcérale (l’administration distribue les libérations anticipées pour faire de la place à des détenues plus violentes, qui elles rapportent plus de financements de l’Etat).

En bref, la première saison se laisse regarder pour Piper, la seconde pour Vee (la redoutable chef du clan Noir), la cinquième pour l’émeute et enfin la septième pour les adieux. J’ai le souvenir de quelques baisses de rythmes dans OZ – mais avec OITNB, on s’ennuie trop souvent comme des rats morts.

Note : 3/5

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Titre : Adieu les cons

Fiche technique : Un film d’Albert Dupontel. Avec Albert Dupontel, Virginie Efira & Nicolas Marié

Sorti en salles en octobre 2020

Résumé
Lorsque Suze Trappet apprend à 43 ans qu’elle est sérieusement malade, elle décide de partir à la recherche de l’enfant qu’elle a été forcée d’abandonner quand elle avait 15 ans. Sa quête administrative va lui faire croiser JB, quinquagénaire et informaticien en plein burn out, et M. Blin, archiviste aveugle d’un enthousiasme impressionnant. À eux trois, ils se lancent dans une quête aussi spectaculaire qu’improbable…

Pour
Magistrale. C’est le mot qui résume le mieux la performance de Dupontel derrière et devant la caméra. C’est bien simple, il n’a jamais aussi bien filmé et aussi bien joué la comédie. Cette excellence se traduit par un jeu inhabituellement sobre et des trouvailles visuelles dignes de Jean-Pierre Jeunet. Concernant le fond, ce qui pousse Dupontel au suicide est le fait d’être ostracisé à son travail en raison de son âge. Quand les entreprises ne sont pas malades du jeunisme, elles virent les vieux car leur salaire est jugé trop élevé par rapport aux débutants smicards et autres jeunes intérimaires. Un thème sous-jacent, les violences policières, renvoie aux « gilets jaunes » éborgnés par la police durant les manifestations de 2019. Dupontel venge symboliquement le peuple blessé en ridiculisant les flics et en mettant en avant un magnifique second rôle, M. Blin. L’aveugle est celui qui, paradoxalement, guide les autres – un défi scénaristique relevé avec brio, et source des gags les plus réussis. Car malgré mon désappointement (lire plus bas), le film m’a fait rire. La scène où un psychologue extrapole pour expliquer le pétage de plomb de Dupontel fait songer à l’attaque meurtrière du 3 octobre 2019 à la Préfecture de police de Paris, perpétrée par un informaticien du service des Renseignements. J’ai le souvenir de « spécialistes » qui donnaient leur avis sur les plateaux télé, contredits le lendemain par d’autres « spécialistes » tout aussi incompétents. Avec le psychologue délirant, Dupontel se moque en filigrane des chaînes d’info qui tournent à vide.

Contre
Je me fous pas mal du plébiscite du film durant la cérémonie des Césars de mars 2021. Ce genre de récompense n’a d’autre valeur que commerciale. En revanche, je considère Dupontel comme l’un des meilleurs réalisateurs français, et j’avais d’autant plus hâte de retrouver son univers qu’il tourne très peu. Mais voilà, dire que l’histoire de son dernier film n’a pas été à la hauteur de mes attentes est un euphémisme. S’il y a bien une chose que je déteste pour pallier les insuffisances d’un scénario, c’est devoir me dire : « c’est normal, on est dans un film ». Dès que je me dis ça plus de trois fois, l’histoire en question est ratée, puisque je n’ai jamais réussi à « rentrer » dedans. Bien sûr, il existe des contes loufoques un peu sombres avec des situations encore plus absurdes que dans Adieu les cons, mais ici le mélange entre romantisme fleur bleue, désespoir et critique sociale est trop bancal pour susciter autre chose qu’un haussement d’épaules A quoi bon proposer Adieu les cons alors que la quête de la filiation a déjà été surexploitée par Dupontel ? La comparaison avec ses films précédents était inévitable, et elle fait du dernier un objet encombrant.

Note : 2,5/5

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Titre : Angel Heart

Fiche technique : Un film d’Alan Parker. Avec Mickey Rourke, Robert De Niro & Charlotte Rampling

Sorti restauré en DVD / BR / VOD en 2019

Résumé
New York, 1955. Un détective privé est engagé pour retrouver la trace de Johnny Favorite, un ancien crooner. Devenu invalide pendant la guerre, ce dernier séjournerait dans une clinique psychiatrique de la région. L’enquête conduira le détective sur les terres mystiques de La Nouvelle-Orléans…

Pour
Vous errez désespérément dans les menus de votre plateforme de streaming à la recherche d’une valeur sûre ? J’ai regardé pas mal de nouveautés, eh bien, le constat est sans appel : c’est Angel Heart qu’il vous faut ! D’abord, j’ai été subjugué par la qualité de la restauration : difficile de deviner que le film est âgé de 34 ans. Bon, il y a quelques indices quand même : Mickey Rourke avait la trentaine passée et son visage n’était pas encore « bogdanoffisé », Charlotte Rampling incarnait toujours cette curieuse flamme glacée, et De Niro jouait à la perfection un commanditaire inquiétant (loin de son rôle de grand-père obsédé sexuel dans les navets d’aujourd’hui). Outre le casting trois étoiles – gage de confrontations d’anthologie -, le film bénéficie d’une solide réalisation et d’un scénario en béton, avec certes des temps morts, mais ils deviennent ludiques au second visionnage. Voir le personnage principal regarder des enfants jouer dans la rue, s’attabler dans un restaurant est à la fois affreux et drôle, une sorte de jeu cruel quand on connait la suite. Enfin, la réussite du film tient aux choix du réalisateur, qui poussent les curseurs à fond. Le film part dans les extrêmes (scènes de sexe et de meurtres), met en scène des thèmes obsédants (récurrence de l’ascenseur et des battements de cœur). L’aspect démonstratif peut sembler lourd (la métaphore sexuelle du « flingue dans la moule » !), mais ce serait oublier que le réalisateur Alan Parker porte un regard ironique sur ce qu’il dévoile de façon appuyée. Comme le fait remarquer le personnage principal, les pastiches du film noir et du film fantastique forment un « calembour à trois sous »… La fin, où le personnage principal monte de son plein gré dans l’ascenseur, m’a mis KO par son désespoir à l’état pur.

Contre
Rien.

Note : 5/5

Le Marteau