Les animaux sédentaires

Les lynx introduits dans le Jura peinent à rencontrer l’âme sœur pour se reproduire en raison de la fragmentation des territoires. Il leur faut traverser une voie rapide, une zone urbaine, des terrains de cultures industrielles pour rejoindre d’autres terrains sauvages. Il en ressort un risque de consanguinité dans les populations de lynx.

La mobilité des hommes immobilise les animaux. Le morcellement de notre pays fabrique des biotopes insulaires. Cela peut convenir aux lézards et aux coccinelles mais pas aux animaux de grande taille. De même que la taille des chiens s’est réduite en fonction de la diminution de celle des appartements, l’échelle de nos territoires s’oppose aux grands mammifères. Comme dans les îles où ne vivent que des animaux nanifiés, nous risquons, à l’image de l’hippopotame pygmée, de voir les cerfs, les sangliers ou même les blaireaux diminuer de format. Plus petits, ils pourront être plus nombreux et éviter d’être consanguins.

Pendant ce temps, les humains grandissent et grossissent. À croire que le monde de la vitesse et des échanges favorise la prise de kilos et de centimètres.

En vérité, la surpopulation serait plus supportable si l’homme rapetissait. Nous mangerions moins et nos déplacements coûteraient moins cher en énergie.

Il conviendrait alors d’inverser l’aménagement du territoire. Les autoroutes serviraient aux déplacements des animaux tandis que l’homme n’aurait à sa disposition que les passerelles à sanglier. Désenclaver un territoire aujourd’hui grâce à une autoroute ou une ligne de train à grande vitesse revient à enclaver la vie naturelle.

Insulariser l’homme en le reterritorialisant chez lui lutterait contre la sédentarisation des animaux. Sinon, par un manque de renouvellement génétique, d’exercice physique, de diversité alimentaire et d’aventure dans leur existence, les gros animaux vont se domestiquer. Ils le sont déjà en partie puisque leur population est mélangée d’animaux d’élevage en raison de la gestion calamiteuse du gibier orchestrée par les chasseurs. Quand les sangliers ne seront plus que des cochons, les chevreuils des chèvres, les renards des chiens, même les chasseurs n’en voudront plus.

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Le libéralisme est la libre circulation des biens, des produits, de l’argent et des hommes. Oui, mais en confinant les animaux. Alors que nous prétendons ouvrir nos frontières, nous grillageons nos territoires de frontières intérieures.

Ouvrons les cages.

Jean-Luc Coudray

Narration : Mélaka – musique : Poko