Nouveaux OGM : La France se croit au Far-West

Deux hautes cours de justices ont rendu des jugements sans appel : les « nouvelles techniques de sélection » sont bien des OGM. Pourtant, la France continue à ignorer ces décisions, et prétend changer une loi européenne qui la dérange.

C’est un ressort classique du western : la bourgade où un caïd se moque du droit étatsunien et intimide les habitants pour imposer « sa loi du plus fort ». Voilà le scénario que nous joue depuis un an le gouvernement français à propos des nouveaux OGM. Dans un film précédent, les multinationales des pesticides ont tenté d’imposer des plantes transgéniques (dont le matériel génétique a été modifié par l’ajout de séquences issues d’autres plantes), mais un groupe de pionniers idéalistes ont réussi, après moult péripéties et combats épiques, à faire adopter des règles de régulation. Oh, ce n’était qu’une demi-victoire : la France a certes fini par interdire les cultures commerciales d’OGM, mais d’autres pays de l’Union européenne les ont seulement régulées. Quoi qu’il en soit, l’UE dispose de règles fermes qui s’imposent à toute plante OGM.

Quand s’ouvre le film en cours, quelques gros ranchers ont fomenté un coup fumant. Ils ont dégoté des fines gâchettes (les « ciseaux moléculaires » CRISPR-CAS9) et découvert de vieux chevaux de retour (les plantes issues de mutagenèse dirigée, étrangement passées jusqu’à présent sous les radars). Au culot, ils les prétendent non-OGM car les modifications génétiques de ces plantes ne sont pas issues de transgenèse (gène extérieur) mais d’une évolution interne à leur génome. Mais le culot ne passe plus. Les pionniers ont vieilli mais sont toujours là. Ils savent bien que ces « nouveaux OGM » (CRISPR-CAS9) ou « OGM cachés » (mutagenèse) sont sans aucun doute des organismes « génétiquement modifiés ». Modifié ne veut pas dire transgenèse. Toute modification humaine non-spontanée reste une modification humaine non-spontanée.

Un premier juge fédéral intervient. Il vient de loin : rien de moins que la Cour de Justice de l’Union européenne. Pas d’appel possible, jugement définitif : ces plantes sont bien des OGM et doivent se soumettre à la régulation prévue par la loi. Encerclé par des desperados, ce juge doit se terrer dans un hôtel miteux. Un deuxième juge monte au créneau, celui de l’État local. Le Conseil d’État français confirme qu’il s’agit d’OGM. Encore un jugement définitif, sans appel possible. Panoramique sur le vent de sable. Rien ne se passe.

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Ces jugements datent du printemps 2020. Après un an, le gouvernement français est toujours hors-la-loi. Un an. Un an à bafouer le droit européen et le droit français, après rappels à l’ordre. Le Conseil d’État est hors de lui devant ce précédent inouï, et vient, en avril 2021, d’envoyer un shérif rétablir l’ordre avec menace d’astreinte financière lourde. Il faut dire que les colzas puis les tournesols issus de mutagenèse arrivent en fleur, dans un pays où ils sont actuellement interdits.

Mais les gros ranchers n’ont pas attendu, ils ont envoyé leurs hommes de main soudoyer l’administration fédérale. Les lobbys agro-industriels français ont obtenu le soutien d’autres outlaws, à commencer par la Fondation Gates qui est l’une des principales forces de frappe pro-OGM au service de l’agro-industrie. S’engage alors une course contre la montre. Qui gagnera, du shérif voulant faire enfin appliquer la loi, ou des capitalistes véreux voulant la changer avant d’aller en prison ? La fin du scénario n’est pas écrite, le film encore en tournage. Mais nous pouvons tous contribuer à envoyer en prison les grands propriétaires véreux : en « sortant » ce gouvernement hors-la-loi.

Jacquou le Croquant

Narration : Félix Lobo