Ne pas planter  d’arbres

Le mot d’ordre contre le réchauffement climatique est de planter des arbres. Ça se comprend. Les arbres absorbent du CO2, ce gaz à effet de serre, refroidissent l’atmosphère, retiennent l’humidité.

Plus encore, les techniques d’agroforesterie permettent de cultiver sous l’ombre des arbres. Les oiseaux mangent les insectes : plus besoin d’insecticides. L’humus des arbres enrichit la terre. La forêt protège les cultures du vent, de la chaleur et de l’assèchement. Bref, c’est tout bénéfice. De plus, les potagers sous les branches se pratiquent depuis longtemps déjà dans les palmeraies des oasis par les populations locales ou dans la forêt amazonienne par les indiens d’Amérique du Sud.

Alors, faut-il planter des arbres ? Et pourtant non. Ce qu’il faut, c’est les laisser pousser.

Planter, choisir des essences adaptées à la montée des températures, c’est encore du volontariste, de la gestion, de la planification. Nous voilà encore dans une logique technique. Cela suppose des savoirs, mais aussi des hypothèses, des suppositions, des paris, des risques, des erreurs et des échecs.

 Alors que la solution est simple : ne pas toucher à toutes les terres abandonnées. Que se passera-t-il ? pousseront naturellement les arbres adaptés à la situation. Il y aura d’abord les espèces pionnières, c’est-à-dire celles capables de pousser en plein soleil. Et ensuite les espèces définitives, celles qui pousseront à l’ombre des espèces pionnières pour les remplacer peu à peu. À la fin ? une forêt durable.

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Les plantations savantes, calculées, maîtrisées s’avèrent souvent ne pas durer sur le long terme. Et puis, voilà une belle occasion de transformer le « faire » en « laisser faire ».

Nous savons bien que l’homme a le défaut d’entreprendre. Et pour corriger ses entreprises, il entreprend encore. Non seulement il crée de nouveaux effets secondaires en tentant d’annuler les précédents, mais il dépense beaucoup d’énergie.

Dans notre morale du travail, nous avons de la peine à penser que les solutions poussent toutes seules. Or, la réponse à nos problèmes est plus souvent la paresse que nous ne le croyons.

Dans les Pyrénées, les forêts avancent quand les moutons reculent. En plaine, elles progresseront quand l’homme reculera.

Cessons de nous battre pour gagner la guerre du climat.

Jean-Luc Coudray

Narration : Félix Lobo