Ne me parlez pas  de… #1

La pause estivale a quelque peu changé nos habitudes et nous allons inaugurer une nouvelle rubrique. À l’ordre du jour : ne me parlez pas de pédagogie !

Les gilets jaunes, les grèves contre la réforme de l’assurance chômage et celles contre les retraites ? Le député LaREM Gilles Le Gendre trouve que Macron est « trop intelligent, trop subtil, trop technique » et qu’il a « insuffisamment expliqué ce qu’il faisait. ». Si le peuple entre en lutte, c’est parce que le gouvernement n’a « pas fait assez de pédagogie ». S’il y a encore des réfractaires au vaccin contre le covid, et plus encore contre le passe sanitaire ? C’est toujours la faute à « pas assez de pédagogie ».

Prenons le dernier point, le plus récent et symptomatique, car la pandémie a été le sujet numéro un et le ministre de la Santé Olivier Véran la personnalité la plus présente dans les journaux télévisés en 2020 (selon l’INA). Et pour la première fois, un ministre « est davantage intervenu dans les JT que le chef de l’État ou le Premier ministre » : Véran compte à son actif 173 prises de paroles en 2020 contre 124 pour Macron. Comme la crise ne s’est pas calmée à cause des variants, c’est la même rengaine en 2021 : le 12 juillet dernier, Macron en était à sa 8ème allocution sous cette forme depuis le début de la pandémie. Ces prises de parole ont enregistré des records historiques d’audience : 36,7 millions de téléspectateurs pour le discours du 13 avril 2020, un record absolu loin devant les 23,6 millions pour la finale de la coupe du monde 1998. Malgré cette omniprésence médiatique, les ministres ont une réponse toute trouvée aux résistances rencontrées : « on n’a pas assez expliqué »…

Au fait, c’est quoi la pédagogie ? D’après le Larousse, elle désigne dans son sens premier « les méthodes utilisées pour éduquer les enfants ». Que l’on soit jeunes intermittents du spectacle ou vieux gilets jaunes tendance casse-couille, voilà ce qu’on est, aux yeux du gouvernement : des gamins qu’il faut rééduquer. Comment ? C’est là, toujours d’après le Larousse, le sens second de la pédagogie : « l’aptitude à bien enseigner ». Macron se pose en directeur d’école qui fait la leçon aux autres et instaure de fait un rapport d’inégalité, avec une « pédagogie » verticale, du haut vers le bas. Croyant détenir la vérité, il veille à la diffuser façon marteau-piqueur sur le crâne. Cette « vérité » consiste à nous faire croire qu’il faut coûte que coûte adapter la société française à la globalisation économique car il n’y aurait pas d’alternative. En dehors de la parole officielle, il n’y aurait que fake news et incompréhensions. En fait de pédagogie, nous avons là un bel exemple de propagande qui ne dit pas son nom. Et si ça remue encore au fond de la classe ? « Toujours plus de pédagogie ». Mais qu’est-ce que ça veut dire, à la fin ?! Quand vous n’aimez pas une soupe, la dernière chose que vous voulez, c’est qu’on vous serve une double dose !

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Pourtant, le gouvernement n’est pas prêt de lâcher l’argument de la « pédagogie », puisqu’il s’inscrit dans une logique implacable : il suffirait que le peuple comprenne les réformes pour apaiser les tensions. C’est l’autre nom de la pensée unique : la pédagogie issue de « l’extrême centre », réunissant les meilleurs cerveaux de la gauche et de la droite (en fait, les plus opportunistes), anéantirait toutes les oppositions. Il n’y aurait plus, selon cette fable, d’orientations politiques, mais simplement des « gestionnaires ». Cela pourrait expliquer en partie l’abstention : pourquoi débattre et voter si nous avons déjà les « meilleurs » au pouvoir ? Si le discours sonne bien, les classes populaires ne peuvent que constater la dégradation de leurs conditions de travail et de vie, effets directs de la politique menée par Macron. C’est pourquoi lorsque des Français se révoltent, ce n’est pas qu’ils n’ont pas compris la réforme en cours, mais parce qu’ils l’ont trop bien comprise.

Le Marteau

Narration : Félix Lobo