La guerre économique, mais à quel prix ?

« Nous allons livrer une guerre économique et financière totale à la Russie » a tonné le ministre de l’Economie Bruno Lemaire le 1er mars. La plupart des grandes compagnies pétrolières et gazières américaines et européennes se sont barrées, sauf la française Total, qui détient 20% du capital de Novatek, deuxième plus gros producteur de gaz russe. Rectificatif dans l’heure de Bruno, s’excusant d’avoir tenu des « propos inappropriés ». Puis, c’est au tour de Total de faire un rectificatif le 22 mars : la firme n’achètera plus de pétrole russe à partir de 2023 ni de gaz à partir de 2025.

En attendant, comment pourrait-on mener une « guerre économique » à la Russie alors que notre plus grosse entreprise finance l’effort de guerre russe ? La queue entre les jambes, Bruno a finalement déclaré :« Total n’est pas en contravention avec les sanctions décidées. ». Hey Bruno, t’aurais pas oublié de parler de notre Banque publique d’investissement (BPI France) ? Cette banque est liée par un accord de co-investissement quasi indéboulonnable avec le fonds souverain russe RDI. On a l’air fin avec notre « guerre économique » !

Et que dire de l’Union européenne qui débloque des dépenses militaires astronomiques pour l’Ukraine ? Un symptôme de schizophrénie, puisque l’UE achète, tous les jours, à la Russie pour plus de 700 millions de dollars de gaz, de pétrole et de charbon. Nous donnons de l’argent à l’agressé comme à l’agresseur, et nous regardons connement la guerre à la télé en espérant que ça se termine bien.

Quant aux Américains, leur échec le plus patent est l’annonce de la fourniture de 70 avions de chasse à l’Ukraine en passant par la Pologne. Un jour la Pologne répond oui, le lendemain non. En attendant, l’armée russe a pris le contrôle de l’espace aérien. Poutine a prévenu les Occidentaux que quiconque lui ferait perdre cet avantage stratégique deviendrait à son tour une cible. Du coup, lorsque la Pologne s’est dite prête le 9 mars à « remettre sans délai et gratuitement » les avions à l’Ukraine, ce sont les Américains qui ont freiné des quatre fers ! Car si des bombardements russes venaient à déborder en Pologne, l’OTAN, donc l’Amérique, serait obligée de s’engager dans un conflit dont on connait le vainqueur. L’armée russe serait écrasée et l’Ukraine recouvrerait sa souveraineté…

Ce qu’on ignore, et qui fait trembler les états-majors, c’est la réaction de Poutine. Va-t-il, tel un Hitler-bis, vouloir que le monde soit englouti avec lui dans un hiver nucléaire ? Ou bien, plus prosaïquement, va-t-il couper le robinet des hydrocarbures ? L’inflation sur l’énergie monterait si haut qu’elle pourrait déstabiliser des gouvernements, voire l’Union européenne. Grâce à nos « stratèges » capitalistes qui ne pensent qu’aux profits à court terme, nous sommes pieds et poings liés dans une globalisation effroyable.

NOBLET 91 février

D’un autre côté, si nous n’envoyons ni troupes au sol ni avions en Ukraine, le déséquilibre des deux armées fait que c’est Poutine qui va gagner la guerre. Une fois l’Ukraine décapitée, Poutine va-t-il s’arrêter en si bon chemin ?

Le Marteau

Narration : Mélaka – musique : Rafael Krux