Marchandisation  des symboles

Tout le monde cherche une identité. Mais au lieu de laisser advenir sa propre singularité, beaucoup cherchent à se définir par des signes d’appartenance.

Dans quelle communauté puis-je me reconnaître ? Le sportif hygiéniste, le révolté tourné vers les réseaux parallèles, le bricoleur obsessionnel qui maîtrise tous les aspects de sa vie, le représentant d’une classe moyenne sensible à la nature et à l’art ? Pour fixer leur style, beaucoup sont alors réceptifs à la publicité. Celle-ci, en effet, s’affiche comme un mode d’emploi des signes extérieurs d’appartenance. En fonction de ce que j’achète, telle voiture, tel téléphone, telle casquette, tel ordinateur, me voilà défini.

 Dans un monde désenchanté où les citoyens évoluent sans repère et où règne la confusion, la publicité renouvelle sans cesse l’actualité des manières de se distinguer. Car le citoyen est un mouton qui veut se démarquer. Il accepte de se conformer à un modèle pour se distinguer d’un autre. Oui au conformisme pour se défaire d’autres conformismes. Ça tombe bien, notre société surdimensionnée et plurielle offre un catalogue de communautés auxquelles adhérer. Selon son histoire personnelle, son statut social, chacun trouvera le groupe qui lui ressemble.

Sauf que les codes d’appartenance étant liés à des modes doivent être réactualisés en permanence. D’où le matraquage incessant des campagnes promotionnelles et la surproduction sans repos d’objets aux design légèrement transformés.

Au final, en poussant à la consommation, la publicité ne se contente pas de vendre des objets. Elle vend aussi des symboles.

Dans un monde qui ne croit plus à rien, les symboles, les codes et les signes sont marchandisés par le discours publicitaire. Les multinationales fabriquent, par leur propagande continue, les repères culturels qui permettent aux citoyens perdus de se retrouver dans la masse.

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Notre économie prospère sur le désenchantement et la confusion. Elle a donc intérêt à entretenir le désespoir et la bêtise. D’où son animosité envers les artistes et les penseurs, dont elle couvre les productions par une culture industrielle de masse. Cet art médiocre, ni bon ni mauvais, donc passe-partout, a pour fonction de censurer la véritable culture tout en hameçonnant l’esprit endormi pour recevoir les messages publicitaires.

L’achat des produits qui nous procurent un sentiment d’appartenance coûte cher. Il faut travailler pour cela. Le travail étant synonyme de vertu, nous associons nos consommations inutiles à un mérite.

Or, il est plus vertueux aujourd’hui de préférer la chaise-longue. Pourquoi attendre ?

Jean-Luc Coudray

Narration : Mélaka – musique : PoKo