Ma première fois à la BioMachin

« Dav’ faut que t’ailles à la bioMachin pour acheter du riz, des amandes, et d’autres trucs, je veux faire un plat des îles pour Suzanne et Jean, dimanche » me lance Pupuce, pendant que j’avale mon café.

Eh merde ! Suzanne et Jean sont des casse-couilles finis au niveau bouffe… Ils essaient de vivre en autosuffisance, s’habillent avec des fringues de friperies ou des trucs du Guatemala, en commerce équitable, en gros, ce sont des clodos hippies, qui ne mangent rien d’autre que du bio et du naturel, alors pas question de servir une brandade de morue surgelée de chez Picard, va falloir aller acheter du bio, du nature, du sauvage. Mais bon, on aime bien les recevoir car on se sent vachement sophistiqués à côté d’eux, genre classe, high-tech, propres… comme des Parisiens face à des Vendéens.

Sauf que c’est moi qui me suis retrouvé comme le dernier des ploucs en arrivant à BioMachin, notamment au moment d’acheter des légumes. Déjà parce que je n’en connaissais pas la moitié. Dans mon magasin habituel, j’achète des trucs simples, comme des carottes, des tomates, des courgettes et… c’est tout, en fait, je ne crois pas connaître d’autres légumes (les patates, c’est des légumes ?).

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Là, y avait des topinambours, des panais, des rutabagas, des crosnes et des soi-disant tomates, mais toutes cheloues : vertes, noires ou jaunes. Mais surtout, là où je me suis senti débile, c’est que je ne trouvais pas les sachets en plastique, alors j’ai pris les légumes dans mes bras et je me suis pointé à la caisse comme ça. La caissière, visiblement habituée aux blaireaux dans mon genre, m’a expliqué qu’ici, on venait avec ses sacs, parce que le plastique ça pollue. On m’en avait parlé, effectivement, de cette histoire de sachets plastiques qui polluent, alors je suis retourné à ma bagnole pour voir ce qui pouvait faire office de sachet, et j’ai vu qu’elle me jugeait quand je suis repassé à la caisse, avec mes tomates cheloues dans une boîte à chaussures, mon concombre dans l’étui qui sert à mettre le triangle de signalisation, le riz en vrac dans un ancien paquet de clopes et les amandes dans les poches de mon blouson. Mais ça ne l’a pas fait, vu que j’avais oublié de les peser. Du coup, elle m’a refourgué des bocaux en verre à 10 balles l’un, dans lesquels j’ai transvasé le riz et les amandes.

Quand j’ai raconté ça à Pupuce, elle s’est bien marrée.

« En tout cas, laisse bien les bocaux dans ta voiture pour la prochaine fois ! »

Eh merde ! Comme un abruti, j’ai tout balancé dans le container à verre. Et en plus, en faisant ça, je me sentais hyper écolo, rapport au recyclage, tout ça. Au lieu de ça, je me suis fait traiter de débile irresponsable et insensible au sort de notre planète.

J’ai été vachement surpris, le dimanche qui a suivi, parce qu’un plat réalisé avec des bons produits, c’est bien meilleur qu’un plat préparé par Picard, et j’ai fait l’erreur de le dire à Pupuce, si bien qu’elle m’a répondu :

« Je crois qu’il va falloir que tu arrêtes d’aller en grande surface et que tu ne fasses tes courses qu’à la bioMachin. » Et me voilà devant le magasin, avec comme mission d’acheter du quinoa. Je ne sais pas ce que c’est, sans doute une sorte de gros légume, mais j’ai pris un filet à provisions. J’espère que ça fera l’affaire parce que je n’ai pas envie de remettre 10€ dans un bocal.

David Berry

Narration : Mélaka