Les miroirs

Notre société favorise l’accession au pouvoir des personnalités narcissiques. Partout dans le monde, des présidents dans un phantasme de toute puissance imposent leurs points de vue délirants. Ces chefs d’État ont été mis en place par des électeurs qui se sont reconnus en eux, étant eux-mêmes atteints de narcissisme pathologique.

La conviction d’être supérieur aux autres est une compensation à une blessure narcissique. Les personnalités narcissiques souffrent en vérité d’un sentiment d’infériorité. Ce sont des bêtes blessées qui les élisent, des bêtes blessées qui ensuite parviennent au pouvoir.

Ces animaux malades font une guerre sans merci à tout ce qui peut limiter leurs exigences, détruisant tout pour amasser des profits et se venger des autres. Ils sont inaccessibles aux arguments puisque leur problème est affectif.

Tyrannisés par leur faille narcissique, ils deviennent eux-mêmes des tyrans. Les électeurs narcissiques apprécient les tyrans, y retrouvant une image d’eux-mêmes.

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Il y a les narcissiques grandioses et les narcissiques vulnérables. La première catégorie est admirablement représentée par Trump, mais Macron en fait partie, d’une manière plus cachée. Hollande représente le narcissique vulnérable, à la fois convaincu de sa supériorité et effrayé devant les tâches que demande cette supériorité.

Certes, nous sommes tous narcissiques. Il est normal d’avoir une estime de soi pour se supporter. Mais peut-être est-il nécessaire d’estimer également les autres afin également de les supporter. Celui qui est atteint de mégalomanie est blessé en permanence car personne ne reconnaît jamais suffisamment la supériorité qu’il se donne.

De même que Narcisse se mire dans l’eau, l’humanité cherche à établir partout des miroirs. En transformant la nature en villes, autoroutes, parkings, zones industrielles et campagne mécanisée, les humains se reflètent dans le monde. Au lieu de rencontrer d’autres vies, ils ne voient qu’eux-mêmes, ne croisant que du béton, des panneaux publicitaires ou routiers. De la même façon, les moteurs de recherche transforment internet en véritable miroir qui ne réfléchit que nos demandes. Facebook, en enregistrant nos préférences, nous renvoie des liens en fonction de nos goûts. La toile, qui aurait pu être le lieu de la différence, a été conçue pour nous renvoyer notre propre portrait.

La nature est l’altérité par excellence. C’est pourquoi elle est détruite et remplacée par des produits humains. Narcisse était beau. Mais c’était un mythe. À force de nous refléter, peut-être verrons-nous que nous sommes laids ?

Jean-Luc Coudray

Narration : Félix Lobo