Les listes présidentielles

Les programmes des candidats à l’élection présidentielle se présentent tous sous forme de listes. De l’argent par ici, des investissements par-là, des baisses d’impôts, des augmentations de taxes, des postes à pourvoir d’un côté, des réductions d’effectif ailleurs, etc.

Chacun, selon son point de vue, modifie les chiffres d’un tableau. Les programmes consistent à modifier la répartition de l’argent. Qu’est-ce qu’on choisit de privilégier ? les pauvres, la nature, l’hôpital, l’éducation, les entreprises, les riches, la recherche, la bourse ? La société est une machine dont le fonctionnement se modifie en fonction des nourritures qu’on lui apporte. Face à la pathologie, faut-il augmenter les sucres, les graisses ou les protéines ? Les candidats sont des médecins qui soignent des maladies. Le problème vient-il des immigrés, de la pollution, des inégalités, du chômage ? Selon les idéologies, la maladie n’est pas la même, les soins non plus.

Diagnostiquer et soigner le corps social consiste à ne jamais le remettre en question. C’est normal pour la médecine. Car la biologie est un fait accompli qui s’est construit avant l’homme. Mais la structure de nos sociétés est justement réalisée par les humains. Comment nous fonctionnons n’est pas un fait de nature qu’il convient de médicamenter mais un projet de culture qui exprime des idéaux et des valeurs.

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Un débat pour l’élection présidentielle devrait porter sur nos aspirations. De quoi avons-nous vraiment envie ? Or, la réponse semble acquise pour tous les partis : augmenter le pouvoir d’achat.

L’absence de discussion sur le sens de nos ambitions ramène les confrontations à des questions techniques. La droite prétend aider les pauvres en stimulant l’économie, la gauche en modifiant la répartition de l’argent. Pourquoi répartir les richesses si l’économie n’en crée plus ? dira la droite. C’est une meilleure répartition qui relancera l’économie, dira la gauche. Au final, le procès porte sur des arguments économiques.

Au lieu d’une liste de propositions, nous aimerions voir un candidat qui écrive un texte. C’est-à-dire un ensemble de mots qui organise un projet, qui fabrique une cohérence, un paysage d’avenir, un rêve, un désir, une vision.

La société n’est pas une machine économique mais un milieu de vie. Plutôt que d’incessants actes chirurgicaux (une nouvelle rocade, un pont, une réserve naturelle, une énième loi), si nous cherchions à établir comme rendre la poésie possible ?

Le reste suivra.

Jean-Luc Coudray

Narration : Mélaka – musique libre de droits : Rafael Krux