Les intubés au bois dormant

Le séjour en réanimation est long et pénible, quand il n’est pas mortel. A l’heure des variants sud-africains, anglais, brésiliens, il est temps de trouver un remède miracle. Or quoi de plus universel et magique que l’amour ?

Il faut envoyer aux malades des princes charmants. D’emblée, le prince charmant rompra le sentiment d’isolement du comateux. Son baiser lui descendra jusqu’au cœur via le tube qu’il a dans la gorge et terrassera la Covid. Les labos français reprendront du prestige, avec notre célèbre french kiss. C’est tout un art de vivre qui réapparaîtra, que l’on croyait tué par le virus.

Le prince charmant est un coupeur de virus, comme le coupeur de feu apaise mystérieusement les brûlures. Son action soulagera même les soignants, exténués, qui ne devront pas le voir comme un rival, mais comme un clown d’hôpital pour adulte.

De même que dans le conte, il y aura une fée maléfique sur la route. Je veux bien sûr parler de la médecine conventionnelle, rétive aux innovations. Eh bien soit, perdons du temps avec des tests en double aveugle, d’authentiques princes embrassant des patients négatifs, des mannequins embrassant des mourants, etc…

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Qui au juste pour faire les princes charmants, me direz-vous ? On peut s’appuyer sur l’expérience des assistants sexuels. Mais aussi faire appel à des comédiens confrontés à la crise du monde de la Culture. Il faudrait quoi qu’il en soit profiter de l’occasion pour « dégenrer » la figure du prince charmant. D’abord, la plupart des gens en réa sont de vieux messieurs. Sans tomber dans le sugar dating, de jolies étudiantes dans le besoin seraient les bienvenues, pour jouer les princesses charmantes ; mais deux hommes d’âge mûr qui s’embrassent, c’est très bien aussi. Simplement empêcher Olivier Duhamel de se recycler discrètement en prince charmant. En fait, n’importe qui acceptant de se soumettre à une quarantaine avant et après le baiser. Un baiser et c’est tout ! Il faut éviter tout attachement. Le prince charmant est tel un donneur d’organe, c’est mieux de pas savoir qui c’est, la famille de l’intubé pourrait faire la gueule.

Importance également du consentement. Un papier devra être signé par le malade dès qu’il dévisse, comme quoi il est ok pour qu’un prince charmant s’acharne sur lui avec la bouche.

Officiellement, rien de tarifé. Les princes charmant n’ont pas vocation à être des gigolos, le désintéressement est ici gage de succès. Et l’échec n’est pas une option, comme dit la Nasa.

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Narration : Félix Lobo