Le vent  des glauques

Pour une révélation, c’est une révélation. Après plusieurs mois de fouilles archéologiques et grâce à divers témoignages recueillis auprès d’esclaves légaux, dits « bénévoles » dans le jargon capitaliste, Hugo Clément a mis au jour de nombreux cas de maltraitance animale au Puy du Fou, Vendée, France.

Le journaliste France 5, la chaîne de la culture – à ne pas confondre avec CNews, la chaîne de la veulerie, ce qui explique au passage les chiffres de son audimat –, a en effet dévoilé une batterie d’horreurs à faire régurgiter son foie gras L214 certifié bio : chats mis en pâture pour nourrir les rapaces, agneau placé vivant au congélo pour éviter les frais d’euthanasie, chevaux battus, autruches abattues, dromadaires drogués, bœufs tazés, tigres disciplinés au pistolet à air comprimé, daim exécuté au fusil à balles réelles… On en tomberait de cul à la renverse si tout ça n’était pas aussi prévisible qu’une bandaison inopinée devant la fortune de François-Henri Pinault ou le décolleté de Salma Hayek. C’est pas pour me vanter mais à quoi d’autre pouvait-on s’attendre ?

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Primo, le Puy du Fou, c’est tonton de Villiers, c’est-à-dire un crapaud de bénitier à particule, ex-politicard de type droite xéno-paranoïaque conservatrice, Manif pour tous et pro-vie pour les blancs chrétiens. Bon, en soi ça ne veut rien dire, mais n’est-ce pas de la rhétorique élémentaire que de jeter le discrédit par association fallacieuse ? Après tout, je suis de gauche.

Secundo, le Puy du Fou, ce sont des spectacles son, lumières, pyrotechnie et révisionnisme local agrémentés d’animaux dressés pour mieux ébahir les masses glougloutantes, les mêmes masses glougloutantes qui, en rentrant chez elles le lendemain, mettront des émojis larmoyants aux publications 30 Millions d’Amis. Ça lave la conscience. En somme, c’est du cirque en plein air pour les funambules de la valeur.

Car enfin dans « dressage », la notion de maltraitance est en filigrane, de la même façon que dans « éducation » transparaît la notion de conditionnement. Élémentaire, ma chère loque. On n’a jamais vu un lion sauter spontanément dans un cerceau enflammé sourire aux babines pour le plaisir des applaudissements demeurés, sauf si on lui a bien démonté l’arrière-train avant à grands coups de tatanes pour lui faire comprendre que c’est pour son bien. La seule chose qu’il veut, le lion, c’est rousiguer du gigot d’impala ou du jarret d’homo sapiens en regardant le soleil couchant embraser la savane africaine.

S’il ne peut y avoir d’amour des animaux dans leur chasse réglementée, il ne peut décemment pas y avoir un bien-être dans leur soumission tarifée. Les orques de Marineland, les éléphants à touristes du Sri Lanka et les ours polaires des supermarchés chinois opinent. Ils ne sont pas seuls. Après, il faut reconnaître qu’on peut passer outre dans la mesure où ça fait de somptueuses photos Instagram, de quoi rendre les collègues de boulot verts de jalousie. Et puis les gosses sont contents. C’est tout ce qui compte.

Alors bien sûr, si tous les visiteurs du Puy du Fou, des zoos et cirques du monde entier pouvaient mourir, et pourquoi pas dans d’atroces souffrances (on a le droit de rêver), ce serait en quelque sorte la fin de l’asservissement animal. Plus de consommateurs, plus de dealers. On applaudira donc la mesure de la préfecture vendéenne fin août autorisant le Puy du Fou à un rassemblement de 9 000 personnes. Ça a pu faire grimper les chiffres du covid d’accord, mais ça a pu aussi réduire la population de connards. On fait pas d’omelettes sans casser les œufs. Pourtant, le site du Puy du Fou continue d’avoir le vent en poupe. Il a d’ailleurs accueilli la 100ème cérémonie Miss France, concomitamment aux révélations rocambolesques de Hugo Clément. Il est à noter qu’aucune dinde n’a été maltraitée pendant l’émission. Juste la condition féminine. Mais bon, ça fait un siècle que ça dure donc c’est presque une tradition, maintenant.

Antonin Galano

Narration : Mélaka