Le chaos psychique

Notre société est encore bien organisée. Il y a des routes, nos impôts sont prélevés. Mais le discours qui nous tient ensemble est désorganisé.

Une société fonctionne sur des croyances communes. Après celle de la religion, est venue celle du progrès. L’au-delà qui permettait de supporter le présent n’était plus dans les cieux mais dans le futur. Les lendemains qui chantent ont soutenu aussi bien le communisme que le capitalisme. Maintenant, nous ne croyons plus à l’avenir.

Si les sociétés premières vivaient dans un temps cyclique, donc sans avenir, c’est qu’elles étaient satisfaites de leur présent. L’artificialisation apportée par le gigantisme des sociétés il y a déjà plusieurs millénaires a ruiné le présent en le rendant invivable. Mais il y avait la vie après la mort. Au Moyen Âge, il fallait mourir pour être heureux. Au siècle des Lumières, il fallait simplement attendre que le paradis arrive sur Terre grâce à la connaissance.

Plus personne aujourd’hui ne parle de progrès. On préfère dire innovation. Le but de l’innovation n’est plus d’améliorer le présent mais seulement de tenter de le préserver. Nous sommes passés d’un récit de construction à un discours de protection. Notre société n’est plus une organisation de vie mais de survie.

Enfermés dans un présent sans issue, nous n’avons plus d’élan.

Il y a cinq ans, notre président a été élu sur une absence de programme. Aujourd’hui, les médias ne parlent que de Zemmour qui n’a aucun programme. Nous vivons une époque de vide mental. Ce néant ouvre la voie à la folie. Les présidents déments se multiplient. Hier les USA, aujourd’hui la Russie, le Brésil, la Turquie, sont dirigés par de grands délirants.

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Le monde n’est pas encore un chaos. Mais le chaos est déjà dans les têtes.

Les théories les plus extravagantes déferlent sur les réseaux sociaux. Chacune choisit son délire prêt à porter, la communauté qui correspond à sa divagation personnelle.

La folie est un luxe quand tout va encore à peu près bien. Le délire évite l’effort. Mais le principe de réalité nous rattrape. Nous serons bientôt obligés de penser à nouveau, sous peine d’aggraver les catastrophes.

Autrefois, les fous étaient soignés avec des camisoles de force, des douches froides et des tourniquets.  Ils s’en plaignaient à juste titre. Maintenant, ils seront soignés à coup de réchauffement climatique, de pénurie d’eau, de problèmes alimentaires, de pandémies mondiales.

Le problème, c’est que nous aussi.

Jean-Luc Coudray

Narration : Mélaka – musique : Poko