Alors qu’au XVIIème siècle la pomme de terre conquiert toute l’Europe, la France, bien qu’en proie à la famine, la boude. Ce nouvel aliment a une réputation « d’herbe à sorcières ». En manger donnerait même la lèpre, dit-on.
Heureusement, Antoine Parmentier, agronome convaincu de ses bienfaits, va trouver le moyen de contourner la réticence de ses compatriotes. Il a l’idée de faire surveiller son champ de patates par des soldats pour susciter la convoitise. La nuit, ces gardes ont ordre de fermer les yeux sur les gueux qui viendraient en chaparder… Et ça marche ! La pomme de terre va acquérir la popularité que l’on sait dans le peuple.
Je recommande donc, pour populariser le vaccin anti-Covid, de réquisitionner des champs. Ce sera une belle occasion pour les régions de reprendre la main, comme elles le réclament. L’aiguille vers le haut comme s’il s’agissait de la fleur, le reste de la seringue à déterrer comme s’il s’agissait de la pomme de terre. Ça ne craint pas les doryphores et la terre, surtout en hiver, conserve au froid. Bon pas à -80°, mais quand même.
Les soldats dépêchés pour la « surveillance » risqueront moins leur vie qu’au Mali, mais ne se tourneront pas les pouces pour autant. Il leur faudra s’assurer qu’aucune rave party ne vienne piétiner le stock, éloigner sangliers et rongeurs ; il serait catastrophique que des visons pissent sur les seringues.
Gardées ainsi, les gueux se diront que ces doses sont réservées à l’élite, qu’il s’agit d’un vaccin sans « traceur ». Non seulement ils ne songeront plus que l’Etat les oblige à se vacciner, mais en sus ils le feront avec la délicieuse satisfaction de le couillonner.
Des solutions hydroalcooliques seront négligemment disposées aux abords des champs. Des vaccins de tous les labos seront indifféremment fichés en terre, pour un mélange vaccinal faisant la nique aux lobbies. Ce sera bien mieux que des « vaccinodromes » vides. Il y a eu l’appel des pharmaciens à vacciner, pourquoi pas celui des agriculteurs ? Oh on comptera bien quelques « antivax » enragés pour dire que les aiguilles vers le ciel sont des relais à 5G, ou que cela fait pousser des yeux de pommes de terre sur le front, mais le côté terroir éclipsera la méfiance contre les labos. Le gros des troupes sera pris en charge au moins aussi bien qu’avec la stratégie vaccinale du prestigieux cabinet McKinsey, et bien injuste ceux qui dans l’Histoire taxeront nos décideurs d’impréparation et d’irresponsabilité.
Millié
