La recherche  de la célébrité

Autrefois, lorsque l’homme vivait dans de petites tribus, il n’avait pas besoin d’être célèbre pour être connu de tous.

Aujourd’hui, dans un monde surdimensionné, la recherche de la célébrité devient la seule solution pour exister.

La poursuite de la notoriété se fait par internet, en produisant des vidéos dont le nombre de vues va mesurer notre insertion dans la société. Si nous choisissons d’être romancier, c’est le nombre d’exemplaires vendus qui va évaluer notre pénétration dans le public. Ainsi, face au nombre écrasant d’humains produits par nos sociétés géantes, c’est toujours par le nombre que l’individu cherchera à peser.

Aux États-Unis, être quelqu’un, c’est réussir socialement, ce qui signifie gagner de l’argent. Nous voilà encore dans un critère numérique. La personne qui a réussi est devenue un nombre, celui de ses dollars.

En conséquence, l’individu, tant valorisé par nos sociétés contemporaines, ne peut exister que quantitativement.

Comme la recherche de la célébrité est un travail harassant, beaucoup préfèrent alors se tourner vers les tribus contemporaines que sont les communautés diverses et variées. En effet, appartenir à une corporation réduite, comme les collectionneurs de timbres, les créationnistes ou les motards est une autre solution pour exister.

Ça tombe bien : internet relie maintenant tous les gens qui se ressemblent. Notre planète est constituée de tribus invisibles dont l’organisation est uniquement informatique.

Pour exister dans une communauté, il faut cependant qu’elle soit constituée de peu de personnes. Être créationniste ne suffit pas à exister : les créationnistes sont trop nombreux. Être complotiste nous noie également dans la masse. Croire que la Terre est plate nous offre plus de chance d’avoir un nom dans un groupe limité.

celebrité

Chacun doit ainsi se spécialiser afin de rencontrer une famille à échelle acceptable. Mais il ne doit pas se spécialiser trop, sous peine de se retrouver seul.

Au final, il est difficile d’échapper à l’anonymat. Nous sommes passés de petites sociétés d’humains identifiables à une masse indifférenciée d’inconnus.

Certains ont quand même réussi à être célèbres. Aujourd’hui, ce sont les romanciers médiocres, les hommes politiques formatés, les animateurs de série, les milliardaires qui pensent tous la même chose, les artistes conceptuels vides d’originalité, les cosmonautes dont on ne perçoit que les scaphandres, bref, des personnes qui restent anonymes par manque de personnalité.

Jean-Luc Coudray

Narration : Félix Lobo