La course vers Mars

Pour la science, la vie est un accident. Par hasard, des conditions ont été réunies sur notre Terre pour que la matière s’anime. Mais la normalité, c’est la mort. Il suffit de survoler les autres planètes pour s’en apercevoir.

Si la vie n’est qu’une erreur dans le fonctionnement du cosmos, elle a une dimension désespérante. Bien contents d’être nés, nous quitterons malgré nous à la fin de notre vie cette aventure provisoire pour replonger dans le néant, celui-là même dont un dysfonctionnement absurde nous a sorti pour quelques dizaines d’années.

En revanche, si des robots trouvent des traces de vie sur Mars, cela change notre perception de l’univers. L’érection de la matière en organismes sensibles cesse alors d’être le fruit d’un ratage. Elle devient une fécondité naturelle qui fleurit chaque fois que c’est possible.

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Cette quête spirituelle ne passe plus par l’expérience religieuse dans un temple mais par l’expérience scientifique réalisée par un robot. Au lieu de fouiller les secrets de sa conscience, l’homme analyse les sables martiens.

Les Emirats Arabes Unis, les États-Unis, la Chine, l’Europe, la Russie tentent, dans cette compétition vers la planète rouge, de réenchanter l’univers avec la même science qui l’a désenchanté. Après avoir dépeuplé la nature de ses dieux, ses elfes, ses esprits, elle veut peupler le désert martien de bactéries enfouies. Cette recherche de vie extraterrestre n’est accessible qu’à des machines mortes, dotées d’yeux artificiels et de laboratoires automatiques, analysant leurs échantillons avec la plus froide objectivité.

La science est partie d’une idée religieuse, celle de l’unité de l’univers. La physique recherche toujours une théorie unifiante. Elle découvre des lois dites universelles, c’est-à-dire qui s’appliquent à tous les corps, même les plus lointains, à l’image des droits universels qui concernent tous les humains. Sa deuxième étape est maintenant d’établir l’universalité de la vie. Quand la science aura unifié l’univers par une théorie unique et démontré que la vie en est l’expression normale, elle lui aura rendu sa dimension vivante.

C’est pourquoi Mars, à la vie invisible, fascine plus que notre planète luxuriante d’animaux. Notre Terre représente la vie accidentelle, Mars la vie universelle. En perforant le sol stérile de Mars, les robots veulent trouver la vie derrière la mort. Si l’aspect désolé de Mars n’est qu’une illusion, peut-être le drame de notre condition mortelle en sera-t-elle une aussi.

Jean-Luc Coudray

Narration : Félix Lobo