La campagne anti-chasse

La fondation Brigitte Bardot a financé une campagne de publicités contre la chasse. Les panneaux déclament : « Chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous. » En-dessous, l’affiche précise le nombre d’animaux tués chaque année par les chasseurs (trente millions) ainsi que les 141 accidents de chasse annuels, dont 11 mortels.

Les chasseurs sont outrés. Ils décident de porter plainte pour empêcher l’affichage. Sur quoi se porte leur argumentation ? La discrimination.

Or, la campagne de Brigitte Bardot critique un comportement, celui de chasser, et non une communauté ethnique. Le chasseur n’est pas chasseur. Il est juste un humain qui chasse. C’est-à-dire qu’il peut arrêter de chasser.

Les chasseurs, en revanche, se vivent comme une communauté, à l’exemple des bretons, des basques ou des inuits. Critiquer la chasse reviendrait à un acte de racisme. Brigitte Bardot discriminerait le chasseur en l’empêchant d’exister dans un pays où le principe d’égalité impose que tout le monde ait droit à l’existence.

Dans la même logique, critiquer un voleur relève de la discrimination. Tout le monde a le droit d’exister, les voleurs, les escrocs, les mafieux, les maquereaux, comme les gens honnêtes. Les syndicats discriminent les patrons, la loi discrimine le faux-monnayeur, le moraliste discrimine le menteur.

Le chasseur revendique son identité. Étant chasseur par nature (ou par tradition, ce qui revient au même), il devient incritiquable. C’est le principe de l’identité. Elle ne se choisit pas. Sauf qu’être chasseur se choisit.

chasseurs

La ruse classique, qui est toujours la même, est de présenter comme un fait de nature un choix humain. La domination des nobles sur les paysans provenait de leur sang bleu, un état biologique indiscutable. Le marché qui domine le monde agit selon des lois naturelles. Les chasseurs tuent les oiseaux selon une logique naturelle, même s’ils élèvent les faisans en batterie, les descendent avec des fusils dernier cri et roulent en quatre-quatre.

Si les chasseurs sont une espèce humaine à part, il faut les protéger comme on protège un oiseau rare. Sauf qu’ils n’ont pas de sang bleu, qu’ils ne chassent pas de droit divin et que, s’ils déposent leur arme, ils continuent d’exister en tant qu’êtres humains.

Si les chasseurs ont la nostalgie de l’époque où l’homme était un chasseur-cueilleur, pourquoi n’ont-ils jamais manifesté contre les autoroutes, les assèchements de zones humides ou l’urbanisation galopante ? Sans doute trouvent-ils également le béton naturel.

Jean-Luc Coudray

Narration : Mélaka