Golghota

La première fois que j’en ai utilisé, c’était à l’anniversaire de Carlos, un pote portugais, qui avait choisi de servir des plats et des boissons qui riment avec son prénom. On a bouffé des tacos et des burritos, et on aurait aimé boire des Desperados, sauf que Carlos ne connaissait pas, lui, il avait prévu du calvados.

Imaginez une soirée à bouffer super épicé, car c’est Carlos qui avait cuisiné, et lui, il aime bien quand ça pique un peu, donc les tacos étaient autour de 75 000 sur l’échelle de Scoville, au même niveau que le piment tabasco, et où la seule boisson à votre disposition est un calvados artisanal, que Carlos a eu par un pote chelou, qui tire ses 57 degrés d’alcool. Faut pas s’étonner que tout le monde vomisse une petite demi-heure après le début de la fête.

J’en étais donc à trois tacos et sept calvados quand j’ai senti qu’il fallait faire une pause. Évidemment, avec sept calva dans le cornet, on n’a pas les idées très claires et je me suis dit que fumer un petit pétard, moi qui n’en fume jamais, me ferait du bien. Résultat, j’avais envie de gerber après deux taffes. Et c’est là que les ai utilisées pour la première fois.

Au début, j’ai pas trop compris, car j’en avais jamais vu. Faut dire, c’est étrange, les toilettes sèches. Une lunette de chiotte posée sur une planche. Quand tu ouvres, y a juste un trou, comme ces chiottes immondes dans les films qui se déroulent dans les prisons en Turquie. Et au fond de ce trou, des étrons panés à la sciure. Il n’était pas question que j’y dépose mon boule, à la merci de ce qui abritait peut-être des créatures dégueulasses, comme le Golgothan, dans le film Dogma, ce démon tueur constitué des excréments des condamnés à mort du Mont Golgotha, il schlingue un max et défonce la tête des mecs qui lui résistent, alors lui montrer mon anus… bref, je ne ferais ce soir que la petite commission, comme disent les gens polis.

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Sauf que je n’étais pas là pour ça, j’étais là pour vomir, et j’ai vomi. Après ça, j’ai repris mon pétard pour faire passer le goût et… merde ! je l’ai fait tomber dans le trou… Il est bien évidemment inconcevable d’aller chercher un pétard ou quoi que ce soit d’autre dans le fond des toilettes sèches, c’est dégueu, mais bon, après sept calvados et quelques taffes de cannabis, les notions d’hygiène sont floues et je m’apprêtais à le ramasser pour me le coller dans la bouche quand le sort en a décidé autrement. Avec le calvados que je venais de vomir, ça a pris feu ! La sciure s’est embrasée à vitesse grand V. Et moi, dans mon état éthylico-fumette avancé, je n’ai pas eu le réflexe qu’il fallait car j’ai jeté du PQ, espérant étouffer le feu au lieu de quoi je le nourrissais, et quand j’ai crié au feu, mes potes sont arrivés et ont jeté leur calva, changeant les toilettes sèches en brasier incontrôlable.

Quand Pupuce, hier soir, m’a proposé de passer aux toilettes sèches à la maison, pour économiser de l’eau, je lui ai expliqué que je trouvais ça noble, comme idée mais, relatant ma mésaventure, j’ai ajouté que c’était totalement inconscient. D’après elle, le combo tacos-calva-pétard-abruti est un concours de circonstances rares, mais moi, je tiens bon. J’ai trop peur du Golgothan.

David Berry

Narration : Mélaka