Il aura fallu tout ce temps pour que je comprenne !…
Sur la route des vacances, l’autoroute abandonnée pour cause de bouchons, nous rôtissions sous un soleil de plomb, piégés par d’autres bouchons. La traversée de ce bourg s’éternisait, s’éternisait… Guidés par les panneaux « toutes directions », GPS devenu inopérant, nous dérivions de ronds points en ronds points à la vitesse d’un escargot. Quand la chance se manifesta enfin : petit café en vue, une terrasse ombragée, une table disponible, et surtout, surtout, une place de stationnement commode, autorisée, gratuite, et libre. Vite, à boire !
Le serveur s’approcha. Mais au lieu de prendre commande, le bonhomme nous demanda : «Z’avez vot’ pass sanitaire». Merde, j’avais déjà oublié. Et la télé qui nous promettait une période d’adaptation, Hélas, le type visiblement déterminé n’en démordrait pas… Et me revoilà dans la bagnole, qui vitres fermées était passée de sauna à fournaise. Après une fouille interminable, je revins enfin muni des précieux sésames. Voyant les papelards, le gars nous toisa, soupçonneux. Smartphone en main, il hésitait. Nous, on était dans nos petits souliers… C’est qu’il y avait un demi-panaché et un diabolo menthe en jeux. Mais maintenant, le gars nous suppliait presque : « C’est mon premier test de l’appli… Si vous vous vouliez bien… ». Soulagé, je lui lançais royal : « Allez-y ». Il tâtonna un peu avant d’obtenir enfin le petit bip libérateur. Un brillant baptême du feu, salué d’un cordial : « Bienvenue, Pathros ».
Une pensée me vint. Alors que depuis des années je prenais mon café au même comptoir avant d’aller bosser, seuls une petite dizaine d’habitués connaissaient mon prénom. Et ça avait pris des mois ! Là, en moins de trois minutes le gars savait tout de mon blaze… C’en était fini de l’anonymat dans nos bistrots. Désormais, telle une star du show biz, tout un chacun sera connu et reconnu où qu’il aille. Être une star, tout le monde en rêve, non ?
Pourtant, parmi les peoples, certains doivent être un tantinet embêtés. Car il leur devient difficile d’avoir en même temps le beurre et l’argent du beurre. C’est-à-dire jouir de la gloire, de la reconnaissance, uniquement quand cela est nécessaire à leur affaires. Mais préférer l’anonymat d’une apparence modeste le reste du temps.Tout en profitant des juteux subsides liés à leur grande notoriété. Les lunettes de soleil pourraient passer de mode ! Et quant à vouloir tricher sur son âge…
Alors du coup, on est tout tourneboulé. Car après cet épisode de mise en route du pass sanitaire, à quoi bon tout faire pour avoir son nom tout en haut de l’affiche, quand il suffit de deux petites injections pour faire comme si on y était. Et qui glorifiera ceux qui finalement y parviennent, quand le désir de les imiter aura disparu ? C’est tout notre élan de devenir premier de cordée dans une start-up nation qui se fracasse sur les récifs du COVID.
Ainsi, au pays des stars, les météorites sont rois.
Pathros
