Crime contre l’humanité

Le procès démarre un mardi, à huis clos, car l’affaire traite d’un sujet particulièrement dégueulasse, et l’accusé, l’enfoiré de fils de p… d’accusé, bientôt coupable – comment pourrait-il s’en sortir ? – est calfeutré derrière un plexiglas, sa vie étant évidemment menacée.

Je suis dans le public, en tant que partie civile et clairement, moi aussi, si je le pouvais, je le buterais de sang-froid. Le mec est vieux, à l’article de la mort, son crime datant de dizaines d’années, mais certains crimes ne connaissent pas la prescription, comme ces nazis qu’on traquait encore, cinquante ans après, et le gars ne vaut pas mieux que ça, il mérite qu’on lui fasse rater question pour un champion pendant le temps d’un procès et plus.

Tout a commencé il y a des décennies, mais pour moi, c’était en septembre 2018, alors qu’on se rendait au mariage de Jojo, un ancien pote dont on n’aurait jamais cru qu’il trouverait une gonzesse, rapport à ses perversions, du genre ses dix à quinze masturbations quotidiennes. Il se paluchait quand il voyait Madame Roussel, la prof de maths qui boitait et qui aurait pu être sa grand-mère, quand il commandait une bière au Club, parce que la serveuse l’avait regardé dans les yeux et j’en passe. Un rien suffisait pour déclencher une érection, et il se branlait même à la mi-temps des matchs de foot, je n’ai jamais compris pourquoi. Pourvu qu’il n’aille pas se palucher trop souvent pendant le mariage, ça serait chelou. Et quand je dis gonzesse, c’est pas un compliment pour les femmes en général, car l’engin, Nadine, tient plus du routier viril, physiquement parlant, et de la fougère, en terme de personnalité. Mais bon, quand on va à un mariage, on se sape, et j’avais ce froc bleu-gris que ma femme a tenu à m’acheter, avec un tissu à la con, du genre tu souffles dessus ça laisse une trace, du coup tu n’oses pas péter de toute la journée, et des pompes en daim, facilement salissantes aussi. Jojo habitait à plusieurs heures de route, parce que les engins comme Nadine, ça ne se trouve pas à tous les coins de rue, et la route était longue et faut que j’arrête de boire du café, parce que j’avais une envie de pisser terrible avant d’arriver. Alors il a fallu faire un stop sur une aire d’autoroute et c’était ces pissotières qui n’en sont pas vraiment, vous savez, c’est juste des murs avec une petite rigole en bas. Et là, t’as à peine commencé à pisser que tu te rends compte que ça éclabousse un max, et quand t’as ce putain de futal et des pompes en daim, tu te prends un forfait moucheté-longue-durée sans l’avoir commandé et t’as beau écarter les pieds, te reculer, rien n’y fait. Et y avait un gars à côté, alors tu ne vas pas te barrer la bite à la main, mais lui, ça ne semble pas le gêner de se pisser sur les pieds, alors qu’il est en tongs, c’est quoi cet endroit ?

En sortant des chiottes, je croise ma femme qui arrive en gueulant sur le concepteur des chiottes à la turque, parce que sa belle robe, qu’elle a payé la peau des burnes après des mois de recherche, a le bas tout trempé à cause de la chasse d’eau qui lui a littéralement inondé les pieds, et heureusement qu’elle n’avait pas encore mis ses chaussures à talon, parce que là aussi, elles valent un RSA, et c’est là que j’ai décidé de traquer sans relâche la personne qui avait choisi les modèles de chiottes des aires d’autoroute, ces saletés de gogues à la turcs et ces urinoirs qui te renvoient ta miction.

C’est aujourd’hui qu’a lieu ce procès et si le gars ne prend pas perpète, je tue un mec juste pour aller en taule et le traquer jusque dans sa putain de cellule. Enfoiré de fils de p… !

David Berry

Narration : Mélaka – musique libre de droit : Rafael Krux
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